Grand menteur de Laurent Gaudé : le jaillissement des mots

 

Grand menteur
Paru en février 2022 aux éditions Actes Sud - 96 pages

Je crois que c'est en poésie et en théâtre que j'aime le plus lire Laurent Gaudé qui parvient toujours en peu de pages, peu de mots à nous faire passer de grandes émotions. 

Je t'embrasserai au nom des miens,
Lignée de rien,
Aux vies bancales,
Qui seraient fiers qu'un d'entre nous,
Enfin,
Arrache le goût de vivre à la dureté des jours.

Et les mots sortent, à toute allure, plus le temps d'attendre. Faut que ça sorte. Que ça saute. Les mots. Les grands. Les petits. Les sincères et puis les autres.
Les mots qui collent. Les mots comme dernier recours. Avant la fin, le trop plein. De mensonges. De fissures. De non dits. Ah ça les non-dits il y en a dans Grand menteur. Parce qu'il est parfois plus facile d'enjoliver, d'inventer, pour soi, pour l'autre, pour plaire, que de se laisser aller au vrai.
Et puis un jour, lâcher. Dans une sorte d'ambulance ou sur le sol de la gare. Sortir de l'ombre. Ne plus faire partie des ombres. Lâcher les phrases bancales. Dans une langue déconstruite, animée, malléable et envoûtante. Lâcher la vie. Joyeuse. Pourrie. Joyeusement pourrie parfois.

Grand menteur, La mariée gare centrale, Fille fiston, trois monologues introspectifs qui finissent par devenir foule. Qu'on a envie de voir devenir foule. Un triptyque qu'on lit presque dans un seul souffle. Comme une longue phrase. Qui se poursuit même après avoir refermé ce court livre. Qui nous poursuit. Comme un regard. Celui de Fille fiston par exemple qui plonge dans le notre. Pour connaître la réponse. La réponse à quoi ? Bonne question. A l'amour peut-être.

C'est foutrement réussi. Foutrement beau. Foutrement fort. Et c'est évidemment signé Laurent Gaudé.



Grand menteur, trois monologues de Laurent Gaudé paru aux éditions Actes Sud

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