Ici ça va de Thomas Vinau : ici ça va et ça renaît

Ici ça va
Paru en poche chez 10/18 en 2014
144 pages

Ici ça va, quand on laisse les mots de Thomas Vinau nous envahir. Quand on ne parvient pas à lire, réfléchir, il y a l'observation. D'un monde, d'une vie, qui changent radicalement. La nécessité de vivre autrement pour trouver son chemin quand on a vécu le trouble, le dur, l'absence. Une renaissance ou une naissance tout court.


“ Il m'a dit que mon père était un brave homme. Qu'il avait travaillé dur. Je lui ai dit que je n'en doutais pas. Il m'a dit qu'il était heureux de me rendre ses clefs et que ça devait être un sacré quelque chose de se retrouver ici si longtemps après, avec tous ces souvenirs. Ema ne parlait pas, elle me regardait avec bienveillance. Et son calme me donnait des forces. J'ai répondu que oui, c'était bizarre. J'ai gardé pour moi qu'il ne me restait plus aucun souvenir. ”

Ce narrateur un peu perdu, très amoureux, trouve refuge avec sa compagne et son chien dans la maison d'une enfance bouleversée. Ensemble, robustes comme le sont les gens qui s'aiment, ils sèment, bâtissent, rénovent. Ce lieu autant que la vie. Leur vie. Se rapprochent d'eux-même. En tant que couple, en tant qu'homme aussi. Car en ce lieu, le narrateur s'approche à pas de loup des souvenirs et de la nature, de ces détails qui reviennent en mémoire, de cette rivière qui coule et dans laquelle il se glisse. Eau trouble, noire, et pourtant baignée de lumière. Perdu au milieu d'un pas grand chose qui forme un tout. Où la vie d'un ragondin devient tout à coup si précieuse. Le sauver. Comme on cherche à se sauver soi-même, des épreuves de la vie – cette putain de vie. Jusqu'au moment où le sourire revient petit à petit comme une éclaircie après une averse.

“ C'est comme s'enfoncer dans une forêt ébouriffée. Ou marcher au bord de la rivière. On arpente sa vie. On choisit un chemin. On s'y habitue. On tente de retenir la route. L'itinéraire. C'est normal, il faut un biais pour découvrir. Un plan. Le chemin devient familier. Rassurant. On élabore nos propres repères. À partir de ce que l'on connaît. Mais on ne connaît rien. Les vrais ignorants ignorent leur ignorance. C'est un peu comme voir le paysage par une petite, petite, toute petite fenêtre. Et finir par croire que ce paysage se limite à ce qu'on en perçoit par cette petite, petite, toute petite fenêtre. Au lieu d'élargir la fenêtre. De casser les murs. On préfère réduire le paysage. Penser qu'il n'est que ce l'on en voit. S'en contenter. C'est plus confortable. Et puis un jour on se rend compte que le monde est plus grand que nos yeux. Et on reste là, perdus. Au bord du vertige. ”

Dans ces petits riens chers à l'auteur, l'essentiel se dessine. S'anime devant nos yeux de lecteurs confinés, citadins. Une nature que l'on sent, ressent. Des brins d'herbe qui nous chatouillent les pieds, des odeurs de bois qui parfument l'air ambiant. Et l'envie furieuse de trouver à son tour ce refuge, au milieu de ce vert aux tons multiples. Trouver une cabane, penser le nous dans un tout, un nous en harmonie avec la nature et la transmission dans sa globalité. Transmission entre les êtres, entre le vivant, entre les espèces. Du vivant à l'encore-vivant. Tout plaquer pour trouver cette paix.

Thomas Vinau est ce poète des temps modernes qui mêle avec habilité, douceur, fraîcheur et tendresse les mots et les images. L'Homme et la nature. L'immobilité et le mouvement. Il est ce poète qui s'arrête et observe tout ce qui l'entoure et que nous ne voyons pas ou plus. Par ces mots, avec Ici ça va mais aussi Comme un lundi ou encore Bleu de travail, il nous amène à notre tour à nous arrêter, observer et respirer à plein poumons, à plein cœur. Oui, ça ne veut pas dire grand chose et pourtant lire Thomas Vinau c'est respirer avec le cœur et savourer les petites joies. Et on ne s'en lasse pas.

“ Certains humains sont plus doués que d'autres dans ce domaine. Certains sont faits pour accomplir. D'autres pour détruire. D'autres pour sauver. Mais la plupart des humains ne sont pas faits pour quoi que ce soit. Ils sont là, beaux et inutiles comme des anachronismes. Comme des cheveux sur la tête d'un caillou. Heureusement, certains d'entre nous sont des anomalies capables de tendresse et de curiosité. ”


Ici ça va de Thomas Vinau
Paru en grand format chez Alma Editeur en 2012 et en poche chez 10/18 en 2014

Commentaires

  1. De lui je n'ai lu que ce livre . Il faudrait que je le relise :-)
    Et surtout que je découvre ses autres livres!

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    1. Je ne peux que t'y encourager, toujours un moment particulier de lire de Thomas Vinau

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  2. Tu sais combien nous partageons l'amour des mots de Vinau...

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