33 révolutions de Canek Sánchez Guevara – La vie cubaine en 33 tours

33 révolutions
Paru aux éditions Métailié en août 2016
112 pages


Repéré cet été dans la librairie des vacances, et acheté sur place avant la fin du séjour, il me tardait de découvrir ce roman de Canek Sánchez Guevara, le petit-fils du Che. 
Si vous avez envie de découvrir Cuba et la vie que son peuple menait au XXe siècle, procurez-vous ce court roman. 


« Il s'assied au comptoir, commande un rhum, allume une cigarette et laisse errer ses pensées : l'univers est un disque rayé, qui échappe totalement à la relativité ou à la physique quantique, plein de sillons où se déroule cette vie de poussière cosmique, de graisse industrielle et de goudron quotidien. Il boit une longue gorgée, se racle la gorge et penche la tête, écœuré et reconnaissant.
Le rhum est l'espoir du peuple, se dit-il. »

A travers un personnage dont on ne connaît pas l’identité, Canek Sánchez Guevara nous joue la musique du disque rayé de la vie cubaine. 33 chapitres qui offrent au lecteur toute la réalité d’un pays, les rêves et le désenchantement d’un peuple. 
Son personnage a la trentaine et est torturé par la monotonie de la vie qu’il mène sur l’île. Son quotidien se résume au boulot, à l'alcool, aux clopes et dodo. Il n’a pas cet esprit de révolution que d’autres peuvent avoir, il regarde, simplement, l’ironie de cette vie cubaine. Puis petit à petit, les gens vont tenter de fuir sur des radeaux de fortune la dictature instaurée. C’est à ce moment là du récit que l'effervescence va naître et que ce trentenaire va peu à peu cesser d’être observateur.

Un roman par le petit-fils du Che ça peut surprendre, laisser perplexe et pourtant on l’oublie bien vite lorsque l’on démarre les premières pages de ces 33 révolutions car ici il n'est pas question d'un réel esprit de révolution. Canek Sánchez construit son récit autour de ce qu’il appelle le disque rayé tel un 33 tours où l’espérance est utopique, où les conditions de vie ne font pas rêver les touristes que nous pourrions être. Exit les plages paradisiaques, les façades colorées... L’auteur nous dresse là, à travers cette fiction, la sombre réalité de ce qu’a été Cuba durant la dictature de celui qui est appelé le « vieux » (comprenons Fidel Castro). Et pourtant on se sent habité par La Havane, par l’odeur humide de la rue, le cigare, le rhum. On sent la chaleur de la salsa passer dans nos veines, on pourrait presque en transpirer. 

« Il n’avait jamais pensé que le disque rayé de la vie quotidienne pouvait se transformer à ce point. Ce n’est pas que la société se désintègre mais qu’à cet instant précis il n’y a plus de corps social (nous sommes des prédateurs se dit-il : nous essayons de dévorer notre prochain). La faim nous rapproche, oui, mais elle nous transforme aussi en proie pour le plus fort – et il y a toujours quelqu’un de plus fort que soi. »

33 révolutions c’est 82 pages, 33 chapitres, 33 toiles de vie peintes où la mélancolie et la noirceur sont de mises à travers une écriture concise, précise et poétique débouchant sur un message d’espoir et de liberté car au bout de la privation il y a la mer « attirante comme l’infini ».

Et après ces quelques 80 pages, l’éditeur a eu la très bonne idée de mettre quelques textes, interviews liés à l’auteur pour compléter la lecture et ainsi comprendre un peu mieux quel homme était Canek Sánchez Guevara, décédé en janvier 2015. 33 révolutions est ainsi le premier et dernier roman du petit-fils du Che. Dommage car après une telle lecture, on aurait envie de le voir publier d’autres romans.

Une lecture accompagnée de ...

Forcément un rhum, un rhum ambré (c'est encore meilleur) avec quelques glaçons. Côté musique autant viser le dépaysement également et partir vers des sonorités latines (que personnellement j'adore) pour égayer un peu le tout :
On commence par Buena Vista Club avec les titres suivants :
  - Chan Chan
  - Veinte anos
  - El carretero
  - Candela
  - Quizás, quizás
On poursuit le voyage avec Ibrahím Ferrer et son titre Apúntame una, mi social puis Fever et Guantanamera de La Lupe
Et enfin on termine avec Hasta Siempre (comandante Che Guevara) de Carlos Pueblas


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