Ceux qui s'aiment se laissent partir de Lisa Balavoine : si maman si...

 

Ceux qui s'aiment se laissent partir
Paru aux éditions Gallimard en mai 2022 - 160 pages


Je ne vais pas vous cacher mon plaisir de retrouver la plume de Lisa Balavoine dont j'avais tant aimé le premier roman Eparse et son roman jeunesse Un garçon c'est presque rien.


J'aimerais comprendre pourquoi, de tout ce que nous avons vécu, je ne parviens pas à me délester du pire.

Il y a des rendez-vous que l'on ne peut manquer. Je savais en ouvrant ce livre que j'y lirais des émotions à fleur de peau, là, au creux des mots de Lisa. Je savais ce qu'était ce livre. Ce qu'il représentait. Et aussi ce qu'il me dirait. De la vie. De nos vies. De ce qui nous construit.
Une fois le roman refermé, je pense que c'est cela qui marque le plus : ce qui nous construit. Ceux qui nous construisent. Ce rapport à la mère. Génération après génération. Le poids de la filiation. Les ombres invisibles qui nous suivent, nous poursuivent. De mère en fille. Les fragments, éparses, qui nous constituent sans nous appartenir. Sans que l'on puisse toujours savoir d'où ils viennent. Et comment l'on s'en défait ou comment nous apprenons à nous construire avec. Cette mémoire transgénérationnelle qui nous colle alors même que l'on tente de bâtir une toute autre vie.

Ceux qui s'aiment se laissent partir donc. Une ode à la mère. Imparfaite. Tantôt aimante, tantôt féroce. Une mère qui se perd au fil des années. Et une fille qui se tait. La carapace se forme, plus dure que jamais. C'est ainsi, parfois, dans les solitudes, on prend conscience que notre vie s'approche à bien des égards de celles des tortues...

Les souvenirs s'attachent à nous bien plus qu'on ne tient à eux. Ils sont dans l'air qu'on respire, dans ce fruit dans lequel on mord, dans la poussière qu'on piétine sans s'en apercevoir. Les souvenirs nous collent à la peau et, comme une encre sympathique, ils reviennent quand nous croyons les avoir effacés. Ils se superposent et nous recouvrent. Les souvenirs sont des vêtements posés sur nous dont les bords usés s'effilochent au fur et à mesure qu'on tire dessus. Difficile de savoir où et quand il faut couper le fil.

Et pourtant un jour la fille devient mère à son tour. Et les principes qu'elle s'était promis de suivre se voient bousculés par l'adolescence et ce qui s'y joue. Que transmettre à nos enfants ? Comment les accompagner ? Sommes-nous seulement capable de les protéger de la mémoire familiale qui s'immisce dans les corps ? Peut-on s'en émanciper ?

L'amour mouvance, toujours. Dans chacune des partie de ce livre. De l'enfance à l'âge adulte. De l'enfance au deuil. Aux deuils. Multiples. Celui d'une fille qui dit au revoir comme elle le peut à cette mère complexe. Celui d'une mère qui dit au revoir à son enfance. Celui d'une femme qui dit au revoir à sa colère. Parce que ceux qui s'aiment se laissent partir. Et rejoignent la mer. A défaut de retrouver la mère.

[...] Est-ce qu'on peut éviter les peines, la mélancolie, le vide, ce qui se répète, tous ces chagrins qu'on se trimballe et qu'ensuite on se transmet, est-ce qu'on peut les remiser, sous des pulls trop grands, dans les bras d'un amour de passage ou dans les mots qu'on écrit, est-ce qu'on peut seulement faire comme si cela n'existait pas ?


Ceux qui s'aiment se laissent partir de Lisa Balavoine aux éditions Gallimard

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