Chambre simple de Jérôme Lambert : dans l’intimité d’une chambre blanche

Jérôme Lambert
Paru aux éditions L'Iconoclaste - 3 janvier 2018
200 pages

La rentrée littéraire de janvier est lancée et elle démarre avec une jolie, très jolie découverte aux éditions de L’Iconoclaste qui avait déjà su m’enchanter lors de la rentrée de septembre avec « Je me promets d’éclatantes revanches » de Valentine Goby ou encore Ma reine de Jean-Baptiste Andrea. 


“ Je viens te voir plusieurs fois par jour et ça ne m'arrange pas car je commençais à m'habituer au célibat et à sa solitude forcée, aux journées grises et aux nuits vides. J'apprivoisais de soir en soir ton absence, j'arrivais à ne plus penser à notre histoire pulvérisée, à notre talent pour le bonheur englouti par le trou noir de ton départ. ”
Chambre 14, un homme est allongé dans des draps blancs. L’homme appelons-le Le Patient a chuté. Rechuté dans sa maladie chronique. Un mal qui frappe sans prévenir. L’hôpital il connaît bien, trop bien même mais ne s’y habitue pas. Car peut-on seulement s’habituer à cette condition d’allongé ? A ces personnes inconnues qui prennent à votre place les décisions ? Dans cet environnement aseptisé il perd toute liberté, tout libre arbitre, toute pudeur. 
Son quotidien devient celui des soignants et médecins qui chaque jour mettent tout en œuvre pour soigner les blessures, physiques et morales mettant de côté les leurs. Et s’il faut garder bonne distance, une infirmière s’attache malgré tout  à cet homme qu’elle voit se replier sur lui-même. 
La seule visite que Le Patient reçoit de son entourage est celle de Roman. Chaque jour il se rend à son chevet, son amour débordant. Mais les souvenirs remontent à la surface, et si Roman ne dit rien de leur situation, Le Patient finira par se souvenir que cet amour n’est plus tout à fait. Alors il étouffe, a besoin de se griller une cigarette, ou le paquet. Et c’est dans cette cour aussi froide que les murs qu’il va faire la connaissance silencieuse d’un autre patient qui connaît bien ce lieu lui aussi. 

“ C'est en sortant d'une sieste que tout est remonté à la surface. Des morceaux de cadavres empaquetés qui font le trajets depuis les profondeurs où ils étaient coincés et qui reviennent à l'air libre sans prévenir. L'hôpital, c'est les abysses et le silence. C'est la perte de soi et s'y réveiller, c'est être seul, ignorer où on est et se mordre les joues quand on se souvient. Chaque retour à la vie est un petit séisme qu'on finit par apprivoiser. On s'habitue bientôt à ce rythme binaire, à se réajuster au réel, à remettre les rêves en place. ”

Dans ce roman polyphonique délicat, âpre et tendre à la fois, on y découvre les contrastes qui constituent chacun des personnages animés sous la plume de Jérôme Lambert. On plonge entre les murs blancs de cet hôpital qui fait perdre tout repère et on y entend les voix de ces corps et de ces âmes que la vie ou la maladie n’épargnent pas. C’est en tout cinq voix qui résonnent et prennent la parole tour à tour pour nous dépeindre ce quotidien où les moments de gaieté sont aussi précieux que rares. Jérôme Lambert a ce don de mettre en lumière les douleurs quelles qu'elles soient et les questionnements de l'intime auxquels l'amour appartient. Et il le fait avec une mélancolie qui nous berce, une tendresse qui nous enveloppe et une écriture aussi incisive que poétique. Et si ce roman est parfois triste il est surtout beau, vivant et plein d'humanité. 

Retenez ce titre, Chambre simple. Lisez ce titre. Il est simplement tout ce qu’on ne sait parfois pas toujours dire. Il est l’amour mis à nu. 

Commentaires

  1. Il est sur ma wishlist. Très belle chronique qui me donne encore plus envie. J'avais déjà aimé les 4 livres de la rentrée d'août de l'Iconoclaste. Ils me coûtent très chers ! LOL

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    1. Ah comme je te comprends ! J'ai adoré les trois d'août, je n'ai pas encore lu "Neverland" mais avoir discuter avec l'auteur m'a donné très envie de découvrir son univers. Alors il ne devrait plus tarder à passer entre mes mains.

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  2. Et bien tu sais vendre le plaisir que tu as pris à cette lecture

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  3. J'avais déjà lu la chronique d'Agathe, mais la tienne me donne encore plus envie de le lire !

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