Requiem pour une Apache de Gilles Marchand : rallumer les étoiles, raviver les cœurs

Requiem pour une Apache
Paru Aux Forges de Vulcain en août 2020
414 pages

Des mois que je n’ai pas écrit une chronique, je ne suis pas sûre que cet article en sera une d’ailleurs. Certainement un truc un peu désorganisé. 
Depuis des mois, je voulais lire le dernier roman de Gilles Marchand et c’est enfin fait. J’aime l’univers singulier de Gilles Marchand, parce que derrière sa fantaisie, son humour et sa poésie, se cachent (ou non) des messages forts, indispensables et parfois si peu abordés. De ceux que l’on a envie de clamer à cor et à cri. 


Requiem pour une Apache est le genre de roman que l’on a envie de laisser traîner ici et là pour qu’un(e) autre le lise, et puis encore un(e) autre. Que le message, l’histoire fassent parler d’eux. Fassent le tour des cœurs. Parce que ce livre aux tons rock est un grand livre. Dit l’essentiel. Des vies bancales de la société parfois étriquée, parfois solidaire aussi. 

“ On crée toujours à partir d'une cicatrice mal refermée et cette cicatrice nous place du côté des plus faibles. On finit par oublier que nous ne sommes pas nécessairement avec eux. Il y a toujours plus malheureux, plus mal loti.
Et quand je suis devenu l'objet de moqueries, la cicatrice s'est de nouveau ouverte, plus grande qu'elle n'avait jamais été. Je pense que nous avions été mis dans le même sac. L'employé du gaz avait gratté une plaie qui n'était pas si bien guérie. ”

C’est dans cet hôtel-bar-restaurant-refuge tenu par Jésus que quelques âmes vivent et se retrouvent. Des âmes que l’on a rejetées ou qui ont choisi de se mettre en marge d’un monde qui tourne moyennement rond. Qui ignore, stigmatise, juge, persécute à coup d’insultes, de persiflages, de blagues qui font rire un temps mais pas si pas longtemps.  

Ils se prénomment Paul, Wild Elo, Annie, Marcel, Marie-Pierre, Alphonse, Vieux John, Mario, Antonin, Suzanne ou encore Bonnie et Clyde. Ils ont été ouvrier, cuisinier, faiseur d’odeur, chanteur, voleurs, vendeur, catcheur. Ils sont vieux, blancs, noirs, gros ou non, étiquetés parfois simplets, des cailloux dans la chaussures et forment une jolie bande de laissés-pour-compte. Une communauté qui va voir son quotidien bousculé avec l’arrivée de Jolene. Jolene, pas mince, pas grosse, pas moche mais pas jolie. Jolene, plutôt silencieuse. Jolene, surtout invisible. Jolene, qui n’est pas née avec les bonnes cartes. Un père qui buvait un peu trop de verres mais qui peignait la Tour Eiffel alors ta gueule. Jolene en référence à la chanson de Dolly Parton qu’elle écoute en boucle. Jolene et son étiquette qui démange. Celle qu’elle doit porter avec son prénom à la caisse du supermarché où elle travaille.

Jolene qui va un jour pousser la porte de chez Jésus… Et rallumer les étoiles puis foutre un joli coup dans la fourmilière du « trop c’est trop ». Jolene qui va se révolter, délier les langues, dire « stop » - on aurait presque envie d’entonner « résiste, prouve que tu existes » - et qui va entraîner avec elle cette jolie troupe et bien plus encore. 

“ Il faisait nuit, il faisait froid, il y avait nos ombres projetées sur le mur de briques et cette phrase du poète russe. Ce n'était pas un slogan, ce n'était pas une revendication, ça ne ressemblait pas tellement à un cri de guerre ni à un cri de ralliement. Nous n'étions rien et devenions quelque chose. Des gens pour qui les étoiles brillent. Quand on connaît la puissance d'une étoile, c'est assez impressionnant. ”

Ici, on est loin des super-héros. En tout cas au départ. Ici, dans ce Requiem pour une Apache, Gilles Marchand donne une voix aux seconds rôles. A ceux de l’ombre. Qui ne demandent rien mais reçoivent quand même des coups. Ici, on est loin des super-héros et pourtant… Bien vite on se dit que ce sont ceux de l’ombre qui sont héros. Qui créent la légende.

À la lecture de ce roman, j’ai souvent pensé à la poésie distillée dans Eloge des bâtards d’Olivia Rosenthal. Une poésie qui souffle un vent de rébellion. Qui claque, percute. Une poésie rock, politique, sociale. Une poésie collective. Une poésie à monter sur la table et à déclamer. À faire battre le cœur un peu plus fort, un peu plus grand. 
À la lecture de ce roman, je me suis fait une bande d’amis. Accoudée au bar, à boire un petit verre ou plus avec eux, entendre gronder en moi la petite voix contre toutes ces injustices, rejets. À sourire et rire aussi. Je me suis attachée à ces invisibles que Gilles Marchand a rendus visibles, brillants, scintillants. Et les ai quitté avec regret. Le manque déjà présent.
À la lecture de ce roman, je me suis dit que Gilles Marchand avait écrit là un grand, très grand roman en résonnance avec ses précédents mais différent. Plus puissant encore.

Après la lecture de ce roman, j’aurais bien demandé un rappel. Me délecter encore un peu de ce son rock’n’roll qui rythme l’écriture de Gilles. 

Après la lecture de ce roman, je crois que plus jamais je ne regarderai la lune de la même manière… 
 

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Requiem pour une Apache paru Aux forges de Vulcain

Commentaires

  1. j'aurais tellement voulu l'aimer ce roman... Mais malheureusement la sauce n'a pas du tout pris. Je suis déçue car j'avais tellement aimé Un funambule sur le sable.
    Tu réussis brillamment ton retour sur le blog :-)

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    1. Ça ne peut pas prendre à tous les coups. Peut-être que le prochain te plaira :-)

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