Brûler brûler brûler de Lisette Lombé : réveiller en nous l'animal collectif

 
Paru aux éditions L'iconoclaste - collection L'iconopop
octobre 2020 - 80 pages


Quand j'ai appris l'existence de cette nouvelle collection j'ai été immédiatement curieuse : ces titres, ces couleurs pétantes, les thèmes des trois premiers titres et la promesse d'une poésie accessible, urbaine, pop. J'ai démarré par le recueil de Lisette Lombé dont le thème ne pouvait me laisser insensible.


À coup de mots, d'images, dénoncer. Le corps dressé, le poing levé, le cœur battant. De rage. De vie.
Arrêt sur image, le temps d'écrire. Racisme, homophobie, harcèlement, viol, sœurs, mères. Celles et ceux qui crèvent sur la route, dans la mer. Pour rejoindre une terre. Parfois hostile, futile. Le monde qui ne tourne pas rond. Et tous ceux qui laissent faire. Toi et moi sûrement.

On enchaîne les textes, on pose notre voix dessus, sans prétention aucune, juste pour s'imprégner davantage encore de leur force. Se frapper la poitrine un peu plus fort. Un peu plus grand de ces textes ciselés, morcelé qui pulsent le souhait, le droit de revendiquer. La tolérance. Le respect. L'égalité.

“ Et c'est le même système qui te demande d'être violée sans faire de vagues, le même système qui te demande de te serrer la ceinture sans faire tout un ramdam autour de ta précarité, le même système qui te demande de gerber, de vieillir, de crever sans salir la moquette, le même système qui te débaptise un tunnel Léopold II par-ci et rebaptise une place Lumumba par-là pour que tu fermes un peu ta gueule et c'est le même système qui s'accommode parfaitement des centres fermés, des jungles, des bidonvilles sous le périph et des enfants qui grelottent dans la boue et des hommes nus à ses frontières. 
Alors, oui, d'accord, on écrit de beaux poèmes pour les 8 mars mais so what ?
Oui, oui d'accord, on se casse ! 
Mais pour aller où ? ”

Lisette Lombé milite d'une voix puissante, libre. Elle récolte, glane, façonne les mots. S'embrase face à la violence, la fait brûler devant nos yeux que nous ne pouvons plus fermer. En vingt poèmes, vifs, profondément contemporains, elle dit ce qui ronge nos sociétés. Sans détours ni concessions. Réveiller en nous tous, femmes et hommes l'animal collectif !

Un recueil à poser bien en évidence juste à côté de celui, plus ciblé mais tout aussi important, de Perrine Le Querrec Rouge pute. Pour arracher le bâillon du silence, de la honte et de l'oppression.


“ Tu demandes combien de femmes dans cette famille ?
Tu demandes combien de mères,
   combien de vagins empuantis ?
Tu demandes combien de tantines, combien de cousines
   pour un seul de ces mecs resté impuni ?
Pour chaque Weinstein, pour chaque Epstein du dimanche, chaque pseudo DSK, pseudo Woody, pseudo Cosby, pseudo R. Kelly, pseudo Koffi, pseudo Polanski, tu demandes combien ?
Combien de soeurs sous les sourires, sous les silences, sous les convenances ?
Combien de déglinguées, de zombies, de dézinguées, de pommes pourries,
de cramées, de barges,
fêlées, fanées, foutues,
combien de ventres morts, de fantômes, de fautives,
   de fins de fille, de fins de vie ?
Combien ?
Dites-moi combien ! ”



Et par ici la très belle chronique de Nathalie

Brûler brûler brûler de Lisette Lombé paru chez L'iconopop en octobre 2020

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