Rouge pute de Perrine Le Querrec : briser le silence et les chaînes

La contre allée
Paru aux éditions La Contre Allée en février 2020
96 pages


8 mars. Journée internationale des droits des femmes. 25 novembre. Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Je souris jaune. Attristée, en colère aussi. Deux journées... Et le reste de l'année ? Et chaque jour ? Ces journées ne devraient pas exister, mais elles sont là. Les 8 mars et 25 novembre. Heureusement, le reste de l'année, il y a des combats collectifs et de formidables textes qui disent, éclatent, dénoncent, témoignent. D'un quotidien. De la violence. Du mutisme de la société. Rouge pute de Perrine Le Querrec fait partie de ceux-là. Nécessaires.  



Il y a les mots qui tremblent autant que le corps
Il y a les regards qui disent la honte, la colère, la peur, la force.
Il y a l'indifférence autour. Partout.
Il y a l'injustice d'une justice. Le déni. Les questions, les photos. Le supplice qui se poursuit. Il y a la présomption d'innocence. Et la victime traitée en coupable.

Il y a cette société du silence. Cette culture du viol. Patriarcat. Mâle. Mal.

“ Je me tais
Ta gueule !
Il me tue
Nous nous taisons
Vous, vous taisez
Ils assassinent ”

Il y a ces mères qui ont réussi à fuir. Se protéger mais surtout protéger les enfants. Du monstre. Du violeur. De la main qui s'abat. Bat. Bat. Pour un oui, pour un non, pour une robe, pour un rouge. Pour une absence. Un retard.
Il y a ces femmes qui ont eu le visage tuméfié. Cou, jambes, bras, seins. Violet. Violettes. Violets. Violées. Le sexe ensanglanté. Les yeux gonflés. Les nuits sans sommeil. Ne plus pouvoir. Ne plus savoir.

Il y a eu les mots. Les jolis mots. Les mots de trop. Ceux qui lacèrent. Tabassent. Humilient. Ta gueule. Sombre merde. Putain. Rouge pute.
Il y a ces cauchemars. Encore maintenant. Ces vitres teintés. Camionnette. Ou corbillard.
Il y a ces marques sur le corps. Dans le corps. Tatoués à l'intérieur d'Elles.
Marquées à vie.

Il y a ces preuves que sans cesse la victime doit fournir. Ces femmes abandonnées. Reniées d'une communauté. Il y a ce silence. Qui plane toujours. 
Il y a ces femmes qui un jour plantent leur regard dans les yeux d'une autre. Laissent leur voix s'élever, l'offre à une autre. Une autre femme. Perrine Le Querrec.
Il y a cette poète, écrivaine qui recueille, assemble, façonne les maux. L'insoutenable. La violence. L'horreur. Des hommes. Du masculin.

Il y a ces silences brisés. En poésie. Écrit. En cris.

“ La peur dans mes épaules leur poids vers le sol
baisser les yeux, visage enfoncé dans le visage
T'aime ça te faire baiser !
Trembler dedans, sur ses mains mon sang
Tu peux crever !
La violence qui surplombe, la violence quand
elle s'abat
T'aime ça te faire frapper !
Le bras tordu, la vie brisée, crier, supplier 
C'est moi qui gémis
je ne savais pas ”

149 feminicides en France en 2019. 1 femme sur 3 dans le monde a subi des violences physiques et/ou sexuelles dans sa vie. 210 000 femmes en France sont victimes de violences conjugales. Un chiffre glaçant mais peut-être plus bas qu'il ne l'est vraiment quand on sait le nombre de femmes qui gardent le silence.

Rouge sang. Rouge pute. Ce recueil comme combat contre l'indifférence. Sans chiffres, sans statistiques. Juste les mots. En nombre.
Ce recueil qui vous secoue le corps, le cœur. Vous tord la bouche.
Ce recueil nécessaire. Essentiel. Que toutes les filles, les femmes, les hommes devraient lire.

Rouge pute, un cri pour briser un silence, un tabou.
Rouge pute. Rouge vif. Rouge vivre. Libre.

Le 8 mars, le 25 novembre et tous les autres jours de l'année.

“ Silence en-dedans, silences du dehors
J'ai mal dedans j'ai mal surtout dedans là où ça ne
se voit pas j'ai mal là surtout là
Sur la peau ça se voit ils le voient quand ils
détournent
leur regard
A travers les murs ça s'entend ils entendent et
quand ils me croisent,
leur silence
La terrible violence, le terrible silence
La même leçon encore et encore
Vague de douleur l'une après l'autre, douleur
nouvelle sur douleur ancienne
Le déferlement
La catastrophe
Réponds, tu dis les mauvais mots
Tais-toi, tu dis les mauvais silences
Mauvaise élève ?
Mauvaise réponse, toujours, toujours
Si je pouvais me délivrer
Délivrez-moi de lui
Délivrez-moi de moi
De ses violences de mes silences
Délivrez-moi
De mes souvenirs ”

Et retrouvez les mots de Virginie ici

Rouge pute de Perrine Le Querrec
Paru aux éditions La Contre Allée en février 2020

Commentaires

  1. Tes mots sont aussi forts que ceux de l'auteure que tu cites. Je suis comme toi, une, deux journées... et les autres jours ?
    Je t'embrasse

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    1. Les autres jours, parler, transmettre, éduquer. Poursuivre le combat pour que la justice agisse. Y a que comme ça.

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  2. Cette couverture et puis ce titre qui claque et qui dénonce. Les extraits que tu as choisis sont forts, j'en ai déjà des frissons.

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    1. Qui claque et dénonce mais important sans mettre tous les hommes dans le même panier. J'ai lu un texte plus virulent à leur encontre...

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