Le corps d'après de Virginie Noar : naissance d'une mère et renaissance d'une femme

 
Le corps d'après
Paru aux éditions Pérégrines en août 2019 et en poche aux éditions Mon Poche en août 2022

J'ai attendu plus d'un an après mon accouchement pour lire Le corps d'après de Virginie Noar, n'étant pas encore capable de m'ouvrir à ce genre de lecture qui me semblait encore si proche de ce que je pouvais avoir vécu. Plus d'un après, ce livre m'a fait l'effet d'une petite bombe tant il dit si justement ce que le corps de la femme, de la mère subit. 


Je sais nos corps comme une armée de petites filles en désordre, je sais nos corps valables. Indécises privilèges.

Notre désobéissance est œuvre.
Notre insoumission nécessaire.
Nos corps, le rempart d'une lutte obligée.

La grossesse et la maternité donnent lieu à des souvenirs, conscients ou inconscients, en tout cas ancrés, quelque part dans le cerveau ou le corps et qui provoquent chez les femmes la naissance d'une force inouïe mais aussi des peurs paralysantes. Des peurs dont on ignore parfois d'où elles viennent. Dans ce corps d'après, ce corps transformé, on a tendance à penser que tout vient de l'expérience vécue. Or, il n'en est rien. Tout est inscrit. Dans ce corps d'avant.

Donner la vie, c'est rendre la mort possible en même temps. C'est terrifiant et merveilleux.

Virginie Noar explore ici de manière brute et sans concession, le corps d'après et ce que déclenche la maternité. Cette prise de conscience face à l'asservissement de la société, du corps médical, des hommes, de l'enfance. Face à cette violence qui entoure. Elle dit les peurs, les empêchements. La panique. Les tremblements et les tressautements. Les douleurs et les questionnements. L'épuisement. Physique et psychologique. Le sang, les médicaments, le corps rond de beauté puis flasque l'instant d'après. Meurtri aussi.

Et puis il y a les injonctions, partout, tout le temps, de tous temps. Les injonctions de ceux qui savent, de ceux qui doivent. De ceux qui prennent. La perte de repères et de liberté.
Il y a la lutte. Les combats. Ceux d'une enfant, d'une femme, d'une mère. Ceux qu'aura à mener cette autre femme, encore bébé. Ceux que nous avons à mener pour faire changer les choses.

Ils, elles disaient qu'on oublie la douleur quand le bébé devient vivant. Menteurs. Menteuses. Ou alors c'est moi qui ne sais pas oublier.
[...]
Ils, elles disaient qu'une mère reconnaît le pleir de son bébé parmi tous les bébés du monde. Menteurs. Menteuses. Ou alors c'est moi qui ne sais pas être une mère.

Virginie Noar déconstruit le mythe du "C'est que du bonheur" avec une justesse remarquable et à travers sa narratrice, trace le chemin de la résilience, d'une réappropriation, de soi, du corps, féminin, sexuel, puissant. Car oui, les femmes sont puissantes, indomptables, encore plus lorsqu'elles deviennent mères.

Magnifique roman sur la naissance et renaissance à lire, à offrir à toutes les femmes, à toutes les mères.

L'enfant n'y peut rien de tout son corps indéfini qui explose. Aucun enfant n'y peut rien de sa vulnérabilité. Aucun enfant ne peut se sauver tout seul de ce qui le noie et l'étouffe, peut-être est-ce la raison de notre présence. Le sens de nous. Peut-être est-ce pour cela que nous sommes pourvus de bras et de creux dans le cou : pour accueillir l'enfant et tout son corps bousculé quand il n'a pas encore les mots pour dire que ça fait mal là. 



Le corps d'après de Virginie Noar aux éditions Pérégrines (broché) et Mon Poche 

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