Nos cabanes de Marielle Macé : écouter le monde

Marielle Macé
Paru aux éditions Verdier en mars 2019
128 pages

Il y a des livres, des essais, des réflexions dont on peine à parler. Pour lesquels on ne trouve pas les mots car d'une réflexion globale sur le monde, il devient une réflexion intime. C'est l'effet que m'a fait Nos cabanes de Marielle Macé. Un chemin lumineux, sans détour, un éclaircissement sur la manière dont je pense de plus en plus le monde, la nature. Une oreille qui s'affine pour l'écouter.


Durant le confinement, lorsque le monde s'est – un temps – arrêté, j'ai réentendu les oiseaux, les ai revus aussi. Pas les habituels pigeons ni les habituelles tourterelles mais ces oiseaux qu'on ne voyait plus. Ces oiseaux qui disparaissent des villes, et du monde. Un tiers des oiseaux en moins en un quart de siècle. Comment écoute-t-on le monde sans leur chant ?
Durant le confinement, lorsque le monde s'est – un temps – arrêté les dauphins sont revenus dans la baie de Venise, les océans ont été moins pollués. Le ciel moins saturé de particules. Un temps, un temps trop court, un temps infime. Pas suffisant. Car le monde suffoque, le voit-on seulement ? Le voit-on vraiment ? L'entend-t-on ? Veut-on seulement l'entendre ? Savons-nous entendre ?

“ Nos cabanes ne seront pas nécessairement plaisantes , légères. Elles diront aussi bien ce qui se tente que ce qui se malmène, ce qui s'essaie que ce qui se voit rabattu, maltraité. Elles diront quelque chose de ce monde de violences en tous genres, de vulnérabilités, de confiscations, de destruction des sols, et pourtant aussi d'espérances, de bravades et d'imaginations pratiques. ”

C'est tout cela que Marielle Macé aborde dans Nos cabanes, comment vivre dans un monde abîmé ? Loin des mesures bien pensantes que l'on lit régulièrement ici ou là, sans solutions prédéfinie, elle s'interroge et nous avec sur notre monde contemporain, sur le capitalisme à outrance qui dessert aussi bien le monde du sol au ciel que les Hommes (appauvrissement, creusement des inégalités sociales...)

Tout est lié, tout est relié. Et nous, qu'attendons-nous pour nous relier ? À la terre et aux autres ? Car les cabanes de Marielle Macé ne sont pas celles perchées dans les arbres que l'on loue à la nuit, insolites. Les cabanes de Marielle Macé sont un ensemble, une reconsidération de fond de notre vision du monde, de notre manière de vivre, d'appréhender le monde, de le poursuivre. Visant l'éthique, le symbolique plutôt que le politique. Elle ouvre des champs, des chants complexes, s'appuyant sur des pensées et travaux d'auteurs, scientifiques, anthropologue... Elle poétise ce qui nous entoure, ce qui nous accueille. Et nous donne à l'entendre cette poésie, à la ressentir. À la vivre. À ne faire qu'un avec. Comme elle nous amène à ne plus seulement « penser la nature  » mais de ne faire plus qu'un avec. Car nous ne sommes pas si différents. Et encore moins supérieurs. Et pour nous relier à elle, la littérature toujours...

“ Faire des cabanes alors : jardiner des possibles. Prendre soin de ce qui se murmure, de ce qui se tente, de ce qui pourrait venir et qui vient déjà : l'écouter venir, le laisser pousser, le soutenir. Imaginer ce qui est, imaginer à même ce qui est. Partir de ce qui est là, en faire cas, l'élargir et le laisser rêver. ”

Nos cabanes est un élargissement de soi, de nos habitudes, de nos pensées. Un élan créateur pour imaginer de nouvelles façons d'habiter ce monde. Pas le panser, ni le reconstruire mais en l'habitant autrement, peut-être y parviendrons-nous en plus d'accéder, j'en sure convaincue, à une harmonie et un mieux vivre général.  À nous de créer... Collectivement. Pas "je" plus "je" plus "je" mais un "nous" entier. Imaginons un commun, en commun. Relions-nous. Nouons-nous.



Nos cabanes de Marielle Macé
Paru aux éditions Verdier - 6,50€


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