Bleu de travail de Thomas Vinau : envelopper la mélancolie de lumière

Bleu de travail
Paru aux éditions La fosse aux ours
88 pages

“ Je fais ce que je peux. Avec mes silences et le reste. Avec mes peurs de bête. Avec mes cris d'enfant qui ne débordent plus. Je fais ce que je peux. Dans ce petit bain de cruauté et de lumière. Dans les éclats de sucre et de mensonge. Dans la délicatesse. Dans la violence du temps qui piétine nos rêves. Dans nos petits pataugements précieux. Un matin après l'autre. Un oubli après l'autre. Un mot sur le suivant. Je fais comme tout le monde. Avec le ciel et sans les dieux. ”

Enfiler son bleu de travail et s'y mettre. Presque religieusement. Décortiquer la vie qui nous entoure, les nuages qui se profilent, ce qui nous accable parfois. Ce qui nous fait frissonner. Ce que le matin découvre et ce que la nuit camoufle. Mais aussi les ombres des matins gris et la lumière des nuits frileuses. 

Enfiler son bleu de travail et creuser les tranchées de nos pensées. Muselées. Les absences dévorantes et les bleus de l'âme. Ouvrir nos yeux encore collés dans la brume et se laisser porter par la musique des mots. Celle qui nous souffle tout bas : regarde ! Regarde bon sang autour de toi ! Bois l'horizon, dévore le vent. Regarde ces autres, regarde toi, regarde la vie dessous tes pas. Dans des nuances de bleus qui virent parfois au gris ou au vif, prendre, tout prendre, tout façonner, délicatement. Mélancolie, nature, douleur, douceur et joie. Les garder précieusement car ils nous constituent. Les transformer en une étincelle, une bulle de coton, de savon, de tendresse. 

Oser prendre son bagage et parcourir les routes sinueuses de la vie. Les regarder droit dans les yeux et sans jamais courber l'échine. Les laisser pousser en nous. Les affronter. Les adoucir et les chérir. Réveiller la bête. L'apprivoiser. La caresser. Balayer la fatalité, lui faire un grand et beau doigt d'honneur. Fièrement dressé. Et puis oser dire à l'autre, aux autres combien ils sont précieux, combien dans le cœur bat leur chaleur à eux. Combien parfois il est difficile de prononcer à voix haute les mots qui dansent pourtant sur le papier. 

“ Manger nos bravoures sans éclats. Nos petits pains. Nos petits matins. Mordre dans l'eau froide du temps qui passe. Laper l'onde glacée. Ça fait mal aux dents. C'est bon. Le vent souffle. On marche sur les trottoirs. On regarde par la fenêtre. On essaie. On veut bien. On s'étire. On s'écoute. On tient droit. En se tenant la main. ”

Encore une fois, Thomas Vinau tape en plein cœur. Dans le juste et le vrai. Dans ces images qui s'animent devant nos yeux, il réchauffe l'hiver. On observe par le hublot, on tourne les pages précieusement avec ce sentiment de posséder un trésor. Et on lit comme on observerait un ébéniste travailler le bois ou un peintre mélanger les couleurs sur sa palette. Silencieusement. On se laisse bercer par les notes musicales de ce poète de tous les jours.
Bleu de travail est à déguster lentement, encore plus lentement peut-être que ces autres recueils afin de laisser les mots (bleus) nous parcourir. Les voir virevolter, danser, se poser avec toute la délicatesse dont le poète s'est faire preuve. Laisser les silences écrits faire grand bruit. S'enrouler dans ces poèmes de tous les jours, les bisous froids et la fourrure tendre. Graver ces énumérations chantantes, presque les apprendre par cœur. Et enfin, laisser reposer le temps. 

Commentaires

  1. Du coup, si je comprends bien, il s'agit d'un recueil de textes courts, c'est bien ça ?

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    1. Tout à fait Delphine, recueil de textes courts (comme pour « Comme un lundi » dont j'avais en décembre), de poésie en prose.

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    2. Court mais est le livre et géant est le
      Style

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  2. Votre article me donne envie de découvrir cet auteur.
    Merci 🌸

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    1. Merci beaucoup. Je vous souhaite une belle, très belle découverte.

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  3. De lui je n'ai lu que Ici ça va. Et si j'avais aimé son écriture, j'ai trouvé le tout un peu court.. mais je ne désespère pas de le découvrir dans d'autres textes et pourquoi pas celui-ci.

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    1. Tu devrais peut-être tenter Le camp des autres, plus dense, un peu différent aussi mais avec toujours beaucoup de poésie.

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    2. Je crois me laisser tenter par Le camps des autres en effet!

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