Paris-Venise de Florent Oiseau : montez à bord du train le moins sûr d'Europe

Paris-Venise
Paru chez Allary Editions - 240 pages

Avec un peu de retard et à quelques jours de partir découvrir Venise, il fallait bien que je vous parle de ce roman truculent de Florent Oiseau, Paris-Venise. Attention à la fermeture automatique des portes… Et descendez si vous le pouvez encore ! (mon voyage se fera en avion c’est beaucoup plus sûr).


“ Comme confident, je suis très bon. Les secrets, je les coffre à double tour. Mais à l'inverse, je me confie assez peu. J'ai toujours peur d'emmerder les autres, de manquer de pudeur ou de provoquer une gêne. D'engager une conversation avec une personne pressée, une personne ayant un train à prendre, un bébé à récupérer. Ou une petite envie de chier. Pire, j'aurais peur de me confier à un type comme moi, un type à qui le monde entier se confie, ce serait un comble. ”

Roman a 29 ans, banlieusard, il enchaîne les amours bancales, les petits boulots à répétition (dont il se fait régulièrement virer). Le quotidien morose d’un mec un peu paumé ou du moins qui n’a pas encore trouvé sa voie. Jusqu’au jour où l’emploi rêvé se présente à lui : couchettiste sur la ligne de nuit Paris-Venise dans une compagnie ferroviaire privée. 
Évidemment, les choses ne vont pas vraiment se passer comme prévues. Déjà, le train est toujours en retard (un peu comme le héros de ce livre finalement), ensuite il va tomber amoureux de la mystérieuse Juliette. Mieux encore, le personnel à bord n’est pas ce qu’on qualifierait d’employés modèles. Et pour finir, ils sont clairement mal payés. 
Rapidement, le rideau tombe sur les petites magouilles qui s’organisent dans ce train. Sur les allées-venues entre les compartiments et les combines pour arrondir les fins de mois. Roman n’est pas très à l’aise avec cette idée, mais bon quelques euros par-ci, par-là ce n’est pas si grave… 

Dans ce roman bourré d'humour, Florent Oiseau nous embarque au cœur d’un presque huis-clos entre des passagers pas toujours en règle et des employés un peu loufoques. Un train dans lequel on n’a pas vraiment envie de monter… Ni de dormir. Je pense même que si nous étions à bord, nous tenterions de descendre à quai à la prochaine gare. Mais pas celle de Naples. Et pourtant Paris-Venise c’est toute une ambiance qui enveloppe instantanément le lecteur. Un peu tamisée, surtout agitée. Ne vous attendez pas à arpenter Venise, tout se passe entre les wagons ou presque. Et cet humour bien dosé, un peu impertinent, n’est pas seulement là pour divertir. Il est aussi là pour pointer du doigt les aspérités de notre société, faire passer la pilule. Mettre en lumière le fossé entre les galériens et les premières classes. Les riches et les pauvres. Les Parisiens et les banlieusards. La précarité et ces patrons qui exploitent de manière indécente des employés qui n’ont pas d’autre choix que de la fermer s’ils veulent garder leur boulot.
C’est aussi un roman qui ne manque pas de culot lorsqu’il est question de parler d’immigration. De passeports trafiqués en absence totale de papiers, certains employés n’hésitent pas à fermer les yeux, à laisser passer quelques clandestins pour la modique somme de 300 euros. Le prix de la tranquillité. 

“ Ça aussi c'est très français. On crache sur l'argent et les avantages de ceux qui en ont, on s'invente des idéaux pour justifier notre frustration de pauvre, mais quand on goûte, l'espace d'une seconde, aux trucs réservés aux riches, on ne trouve pas que ça a un goût dégueu. Le homard, on se rend compte que notre organisme ne le digère pas trop mal et que le Moët & Chandon s'expulse sans irriter le canal urinaire. On est dans un pays de prolos, mais des prolos de circonstance, pas de conviction. Notre seule et véritable conviction, c'est la plainte. Mieux, la légitimité de se plaindre. ”

Paris-Venise c'est galerie de personnages hauts en couleur, attachants, parfois naïfs (surtout lorsqu’il est question d’amour), un portrait extrêmement moderne de notre génération Y, sous une plume qui l’est tout autant. On pense passer un petit moment de détente tranquillement dans un train au ralenti et puis bam ! On se prend une bonne réplique bien brute de décoffrage en plein visage et je dois dire que j'ai trouvé ça assez kiffant comme dirait sûrement Roman. 
Il est inscrit que l’histoire se base sur des faits réels, l’auteur a en effet travaillé dans un train de nuit sur la ligne Paris-Venise et ma curiosité m’a souvent amenée à me demander alors ce qui était vrai ou non dans toute cette folle aventure. Mais finalement qu'importe, je retiens surtout le pétillant, le drôle, l’audacieux de ce roman et le pari réussi de me faire passer un bien agréable voyage malgré les péripéties, réelles ou fantasmées, de ce train de nuit. 

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