La tresse de Laetitia Colombani : le lien indéfectible entre trois vies tient parfois à un cheveu

La tresse éditions Grasset
Paru aux éditions Grasset le 10 mai 2017
224 pages

Lu dans le cadre du coup de cœur des lectrices Version Femina et quelle superbe découverte ! Je ne suis pas certaine que je me serais arrêtée dessus en librairie et pourtant ce roman est à lire dès sa sortie. 


Lectrice Version Femina


Un nouveau jour se lève pour Smita, Guilia et Sarah. Trois femmes, trois continents, trois pays, trois vies que tout sépare. Et pourtant cette nouvelle aube ne sera aucunement banale pour ces trois femmes aux destins contrastés.


Smita est originaire de Badlapur en Inde. Elle est une Dalit (une Intouchable), d’une caste inférieure donc, jugée impure. Son destin consiste à ramasser les excréments des villageois, à l’aide de son panier tressé, dans ce village où les toilettes flirtent avec les nuages ou les étoiles.
Ce matin là, elle décide que sa fille Lalita n’aura pas le même avenir qu’elle, elle veut ce qu’il y a de mieux pour son enfant, qu’elle puisse s’instruire pour échapper à cette vie miséreuse. Mais rien ne se déroulera comme prévu. 
« Puis elle prend son panier en jonc tressé, ce panier que sa mère portait avant elle et qui lui donne des haut-le-cœur rien qu'à le regarder, ce panier à l'odeur tenace, âcre et indélébile, qu'elle porte toute la journée comme on porte une croix, un fardeau honteux. Ce panier c'est son calvaire. Une malédiction. Une punition.  »
Guilia est une jeune femme vivant à Palerme. Elle travaille dans l’atelier de son père comme ouvrière – le refus d’être privilégiée. L’entreprise familiale vit de la cascatura (fabrication de perruques à partir des cheveux exclusivement italiens). Elle évolue ainsi dans une atmosphère typiquement féminine où les potins de début de journée la nourrissent de vie. 
Sa vie va connaître une double bascule lorsqu’un accident viendra frapper son père, l’obligeant à abandonner le monde de l’innocence et lorsqu’elle rencontrera un ténébreux et mystérieux jeune homme bien loin des standards siciliens. 
« Elle s'en veut, parfois, de se sentir si vivante au milieu de cette tragédie. Son corps exulte, frissonne, jouit comme il n'a jamais joui, alors que son père se bat pour sa vie. Pourtant elle a besoin de se raccrocher à ça, pour se dire qu'elle va continuer, pour ne pas céder à la peine et à l'accablement. »
Enfin il y a Sarah, une brillante avocate qui a bataillé pour se frayer une place dans un cabinet réputé de Montréal. Divorcée, indépendante et mère de trois enfants, elle consacre sa vie à son ascension professionnelle. 
Mais un rendez-vous médical va faire basculer de manière inévitable sa vie et l’exclure peu à peu de ce monde de requins auquel à consacrer ses jours et ses nuits. 
« Des examens qui à eux seuls, sont presque un diagnostic. Une condamnation.
Mais pour l'instant, ce n'est pas le moment. Sarah quitte l'hôpital, contre l'avis de l'interne.
Pour l'instant, tout va bien.
Tant qu'on n'en parle pas, ça n'existe pas. »

Alors quel lien peut bien relier ces trois femmes entre elles ? 
La force, la détermination, le courage de se battre face à un monde cruel car aucune n’acceptera la fatalité et chacune se battra pour obtenir la liberté. Oui mais pas seulement … c’est un lien invisible et bien plus fort, telle une tresse, qui les unira.

Portée par une plume sensible, délicate et parfois crue, Laetitia Colombani nous entraîne à travers trois continents pour nous dresser (et même tresser) le portrait de ces femmes attachantes, si différentes mais que leurs combats relieront par un lien indéfectible. 
Elle dose à la perfection chaque détail qui compose la personnalité et la vie de ses trois héroïnes, sans jamais faire dans le larmoyant, ni le « trop facile ». Son écriture est maîtrisée, ses portraits aussi et quel plaisir pour la lecture ! 
« Elle sait qu'ici, dans son pays, les victimes de viol sont considérées comme les coupables. Il n'y a pas de respect pour les femmes, encore moins si elles sont Intouchables. Ces êtres qu'on ne doit pas toucher, pas même regarder, on les viole pourtant sans vergogne. On punit l'homme qui a des dettes en violant sa femme. On punit celui qui fraye avec une femme mariée en violant ses sœurs. Le viol est une arme puissante, une arme de destruction massive.»
Entre plusieurs partie du livre, l'auteure parsème son récit d’une prose liée au tissage grâce à une personne extérieure nous contant comment, sous ses doigts, prennent vies ces fils qui créeront une nouvelle histoire, une nouvelle destinée. Avec finesse et patience. Une prose qui viendra nouée les destins de ces trois femmes. Une prose qui peut sembler déstabilisante, incompréhensible mais qui nous porte et nous apporte en toute fin une réponse éclairée.

Ainsi, La tresse nous ouvre les yeux sur la condition féminine, sur ces combats à mener pour être une femme libre et indépendante. Mais La tresse nous dépeint également le monde et ces ponts invisibles qui peuvent exister entre des êtres séparés par des milliers de kilomètres. 
Finalement, à travers ce roman, Laetitia Colombani nous amène à voir la vie autrement en nous balançant en plein cœur une bouffée d’humanité et d’espoir.


Flash Info ! Ce roman vient tout juste de rejoindre la sélection des 68 premières fois (et j'en suis vraiment ravie) complétant la liste à 15 ouvrages.

La téméraire de Marine Westphal
Nous, les passeurs de Marie Barraud
Elle voulait juste marcher tout droit de Sarah Barukh
Les parapluies d'Erik Satie de Stéphanie Kalfon
La plume de Virginie Roels
Marx et la poupée de Maryam Madjidi
Presque ensemble de Marjorie Philibert
Ne parle pas aux inconnus de Sarah Reinflet
Outre-Mère de Dominique Costermans
Marguerite de Jacky Durand
La sonate oubliée de Christiana Moreau
Maestro de Cécile Balavoine
Mon ciel et ma terre de Aure Atika
Principe de suspension de Vanessa Bamberger

Commentaires

  1. J'adore ce genre d'histoires où les vies de plusieurs personnes totalement différentes sont racontées ! Je vais me le noter pour plus tard :)

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    1. Alors il devrait assurément te plaire :) Il est superbement écrit en plus. J'espère qu'il te plaira autant.

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    1. Je me doutais que la thématique te plairait. Je pense que l'écriture aussi.

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  3. On en parle beaucoup et il semble effectivement très intéressant

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    1. Rien que pour le thème abordé il vaut la peine de se pencher dessus.

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  4. C'est assez drôle que je tombe enfin sur ta chronique le jour où je le lis le roman !

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    1. Hâte de lire la tienne mais nous avons déjà en commun le goût du message ! :)

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