Des diables et des saints de Jean-Baptiste Andrea : aux confins de l'enfance

des diables et des saints
Paru aux éditions L'Iconoclaste en janvier 2021
320 pages

Pour 2021, je me suis peu intéressée à la rentrée littéraire préférant me laisser porter par la pile qu'il me reste à lire mais aussi les découvertes que je pourrai faire via les blogueuses.eurs que j'aime suivre. Néanmoins, il y en avait deux ou trois que j'attendais avec impatience dont celui de Jean-Baptiste Andrea qui m'avait déjà ravie à deux reprises avec ses précédents romans : Ma reine et Cent millions d'années et un jour.


Mais si vous croyez que je m'égare, si vous croyez que j'ai perdu le fil de mon récit avec mes histoires d'avions, de dieux sourds, d'orphelins, de tableaux, et bientôt de filles au nom de fler, c'est que vous regardez de trops près. Vous louchez de toutes vos forces et vous voyez la même chose que moi, il y a cinquante ans.
Du bleu, du jaune, du vert.
Vous ne voyez pas que vous contemplez La Nuit étoilée, le nez collé au tableau. Patience, donc. Laissez-moi distiller les couleurs de ma nuit.

Lui, c'est Joseph, Joe comme il se fait appeler. Joe joue Beethoven sur les pianos qu'il croise, ou plutôt qu'il choisit. Ceux qui sont au cœur des gares et des aéroports. Ceux devant lesquels certains s'arrêtent pour écouter, observer les doigts glisser sur le clavier. Mais dans cette foule qui écoute discrètement, distraitement ou attentivement il manque toujours une silhouette. Mais Joe ne s'arrête pas, poursuit, l'espoir au cœur.

Qui attend-il ? Qui espère-t-il ?

Laissez Joe vous conter son histoire, celle qui remonte à son adolescence, à la tragédie d'une vie. Celle qui remonte à un pensionnat religieux. Où la main de Dieu s'abat bien volontiers en plein visage. Les Confins. Ce lieu délabré de cœur où Joe passera plusieurs années et apprendra trop souvent que le bonheur n'a rien d'une prière. Que le chemin pour l'atteindre passe parfois par des diables et des Saints...


Quand on croise un enfant qui titube sous le poids d'un cartable ou un vieux qui peine à tirer une valise, on se précipite pour les aider. Ces gamins-là ‒ je dis gamins mais, à l'exception de Souzix, c'étaient presque des hommes ‒, personne n'avait jamais offert de porter leur colère. On les laissait buter contre les trottoirs, et on regardait ailleurs. Tant pis s'ils tombaient. Ça valait mieux que d'être écrasé par ce qu'ils charriaient.
Ils étaient durs, ils étaient drôles, ils étaient sans victoires.
Mes amis.
Les soirs de tristesse, les soirs de vin aigre, je pense encore à eux. 

 

Le rythme, c'est le rythme qui frappe dans ce roman. Celui que cherche Joe en jouant, celui que compose Jean-Baptiste Andrea en écrivant. Un rythme qui transporte au cœur de ces confins. Le pensionnat mais aussi les confins de l'enfance et de l'âge adulte.

Jean-Baptiste Andrea signe un roman aussi cinématographique que musical dans lequel il aborde une nouvelle fois l'enfance, son importance dans la construction de l'Homme que l'on devient. Troisième roman donc sur le sujet et pourtant on ne se lasse pas une seconde car il existe mille enfances et qu'il réussit merveilleusement bien à se renouveler, à l'aborder différemment et le fouiller toujours plus. Avec ce troisième roman, il parvient à créer, peut-être avec une matière plus personnelle que ses précédents, une fiction addictive. Et l'on suit Joe et ces compagnons les yeux fermés (pas trop quand même) dans ce presque huis clos glacial. On s'attache à ces gamins qui n'ont pas eu la même chance que d'autres et dont on parle si peu (mention spéciale à Momo, qui m'a beaucoup touchée). À cette Vigie qui réinvente tout un monde, une liberté. À cet espoir qui jamais ne vacille. À ce destin qui d'abord entre les mains de ceux qui maltraitent change de camp et se retrouve entre leurs propres mains. À ce courage, cette persévérance. À ce feu intérieur qui virevolte. À l'amitié. Aux amours. À l'humanité en somme.

Encore une fois, conquise par l'univers et le style de cet auteur qui ne cesse de grandir et que je ne peux que vous encourager à découvrir si ce n'est déjà fait.




Retrouvez ici l'interview de l'auteur réalisée en 2019

Des diables et des saints de Jean-Baptiste Andrea paru aux éditions L'iconoclaste


Commentaires

  1. J'avais lu le premier, que j'avais apprécié, même si peu-être pas autant que toi. Peut-être me laisserai-je tenter par celui-ci...

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