Désintégration d'Emmanuelle Richard : une haine glaçante !

Désintégration
Paru aux éditions Points en octobre 2019
216 pages

Désintégration et moi ça partait bien. Le sujet m'intéressait. Le dédain des classes supérieures envers les classes inférieures. Ça me bottait bien. Et je connais bien. Issue d'une classe dite moyenne. J'ai connu les regards de travers, le mépris des autres. J'ai eu honte. J'ai été en colère. Envers eux. Ces gens. Pas ces classes.


La narratrice, devenue écrivaine reconnue, détaille par le menu ces années galères. À dix huit ans, en pleine campagne, elle célèbre son anniversaire avec deux amies bien sapées, distinguées. Classe sociale supérieure. Petits fours, traiteur. L'argent pas un problème pour elles. Ambiance plus plus pour cette fille moins moins. Déjà là choc des classes. On comprend. Déjà là, l'agacement de la narratrice.
Puis voilà, qu'elle monte à la capitale. Entame des études à la Sorbonne. Se met en coloc' avec deux beaux mecs et une nana. De la "haute". Pas besoin de bosser. On se ravitaille auprès des parents. Le fossé se creuse. Ses coloc' et leurs amis la voient comme une inculte. Ça se moque, ça lorgne de travers, ça rabaisse. Ça humilie. Elle, elle en chie, accumule les boulots pour un smic pourri. Où les clients la considère comme une moins que rien. Faut bien payer le loyer. Mais à quel prix ? Quand éreintée, elle a fini sa journée, elle lit et écrit. Envoie ses manuscrits. Puis reboulot de merde et grande école de l'élite. Ricanements. Mépris. Rincée. De cette vie. On la comprend.

Et puis entre tout ça, la voilà attablée au restaurant avec un écrivain, réalisateur. L'homme-fleur comme elle l'appelle. Bobo accompli. Il lui plaît malgré cette froideur, ces silences. Mais ça ne fonctionnera pas. Ne commencera même pas, parce qu'il est désormais trop éloigné de son monde à elle. Et face à lui tout remonte. Tout ce qu'elle déteste et n'envie pas – vraiment ? Tout ce qu'elle s'est prise dans la gueule. Fragments passés présent. D'hier à ses trente ans. On entre dans sa vie. Son vide. Et on comprend. On comprend jusqu'à un certain point...

Désintégration comme une radiographie de nos sociétés disparates. De ce qui la ronge. La nécrose. Ouais, pas mal l'idée. Mais voilà très vite ce livre a fini par m'hérisser sacrément le poil... Parce que très vite il devient non pas un cri de colère mais une haine rageuse. De la haine envers les classes supérieures. La "bourgeoisie", les "bobos". Les "trop beaux" – Vade rétro satanas à en juger les propos.
Œil pour œil, dent pour dent ? Le mépris par le mépris ? La haine par la haine ? Reproduire ce que l'on a vécu ? On crache, on vomit, on tabasse comme on a reçu soi-même crachats, vomis, coups. C'est un racisme (terme qu'elle utilise elle-même) de classe qui se déverse. Je n'ose même pas vous mettre d'extraits...

Si je suis pour un regard aiguisé et acide sur notre société et le fait que l’on veuille dénoncer, confronter le fossé entre les classes et les milieux, le mépris des "riches" et des "pauvres" – certains aux siècles passés l’ont d’ailleurs merveilleusement bien fait – j'ai dû mal à cautionner qu'on puisse le faire avec autant de haine. Avec autant de généralités. Car à lire les propos de la narratrice j'ai eu cette sensation : mettons tout le monde dans le même panier. Tous les bourgeois tapent de la thune à leurs parents. Tous les bourgeois sont des enfants gâtés dont aucun n'a besoin de cravacher. Tous les bobos sont des êtres méprisants.
Eh bien, figurez-vous qu'il en existe dans toutes les classes sociales ! Si, si ! Davantage une question d'éducation et que de milieu social à mon sens.

Bref, en lisant Désintégration j'ai eu davantage la sensation d'un règlement de compte qu'une réflexion qui ferait avancer les choses, les lignes, le débat, le combat. Il y a pour moi dans ce livre trop de jugements hâtifs, de mise dans des cases inversées. Drôle de conception de la lutte des classes...
En voulant pointer du doigt avec autant de haine (qui cherche à l'attiser à mon sens) la condescendance de cette bourgeoisie, c'est la narratrice que j'ai finalement trouvée condescendante.
J'ai donc sauvagement refermé le livre non pas avec haine mais colère.

Je dois encore être Bisounours de penser que « jamais la haine ne cesse par la haine »…

Commentaires

  1. Et tu l'as lu jusqu'au bout ?
    Non, non, je ne le lirai pas, j'ai confiance en tout analyse et ce n'est pas du tout le genre de truc qu'il me faut.

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    1. Oui jusqu'au bout... Mon côté maso ahah
      Allez zou, au suivant ! Je suis sûre que tu ne manques pas de choix :)

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  2. Bon...Je ne pense pas le lire celui-ci.

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  3. Ok, écoute, vu ce que tu en dis, je n'ai même pas envie d'y jeter un oeil ! Déjà que j'ai beaucoup de mal à lire, en ce moment, je recherche plutôt le très bon. Et là, clairement, on n'y est pas !

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    1. Clairement pas... pour moi en tout cas. Il a pourtant été encensé par la presse, comme quoi...
      Je te comprends totalement, j'ai beaucoup de mal également alors autant aller vers ce qui nous fait le plus envie !

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