Après le mur de Jean-François Kierzkowski : road-trip post-soviétique

Après le mur éditions Anne Carrière
Paru en octobre aux éditions Anne Carrière
256 pages

2019, trente ans après la chute du mur de Berlin, Jean-François Kierzkowski nous plonge dans cette période tumultueuse, historiquement riche et va bien plus loin encore dans la recherche de repères, de racines, d’origines coincés entre deux mondes. 


“ Berlin ! Là où tout a commencé ? s'offensa Luminita. Mais Pologne avoir été première à faire tomber communisme. [...] Allemands pourraient nous dire merci. Mais non : Histoire retiendra seulement que RDA a fait tomber communisme. Pologne maudite ! Toujours oubliée du monde. ”

Après le mur raconte la fissure. A coup de pioches, de poings, de rage, d'envie. Ça raconte le mur qui s'effondre. Sur toutes les chaînes. Dans toutes les bouches. D'est en ouest. Du nord au sud.
Après le mur ça raconte la jeunesse qui ignore tout ou presque. Parce qu'on ne raconte pas. On ne transmet pas. Œillères. Vie confortable. Exilée.
Ça raconte ce gamin, au milieu d’un frère et deux sœurs, qui ne comprend pas pourquoi on en fait tout un foin. Pourquoi tout le monde en parle. Pourquoi on se tourne vers lui au collège. Un adolescent qui ne comprend pas pourquoi ses parents veulent absolument sillonner en van l'Allemagne, la Pologne en passant par Prague. Il avait d'autres projets pour l’été. Il aurait préféré autre chose. Berlin et ce mur au sol, dans toutes les bouches, ça le gonfle un peu. Pourquoi l'Allemagne, pourquoi la Pologne ?
Parce que Korlowski justement.

Après le mur raconte l'identité qu'on repousse pour se frayer un chemin de l'autre côté de la frontière. A travers ce jeune garçon, l'auteur raconte les cultures, différentes. Habitées par les traces de la guerre, des guerres. La Pologne meurtrie au fil des siècles. 
Il raconte cette grand-mère si bouleversée qu’elle en oublie de cuisiner. Une tante un peu loufoque, dont on ignore si ce qu’elle raconte est du lard ou du cochon. Il raconte cette famille qui s’apprivoise, maladroitement. Ce père dur, taiseux, à l’air un peu supérieur. Et pourtant perdu. Perdu de confronter les souvenirs d’une jeunesse avec ce qu’est son pays d’origine aujourd’hui. Perdu de voir tous ces changements, d’oublier les us et coutumes. Perdu de voir le regard des autres, songeurs, sur l’Histoire. 

“ Ah ! Ces français ! Il faut s'en méfier : ils sont si fiers qu'ils méprisent tous les autres peuples.
[...]
Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as : à part ton nom, personne ne peut deviner que tu n'es pas Français de souche, alors quel besoin de souligner ta différence ? Cesse d'être naïf ! Nous, les Polonais, sommes bienveillants avec les autres peuples, mais en ce qui concerne les Français, crois-moi, il n'y a pas plus racistes ! Il te faudrait une bonne leçon pour que tu comprennes. Je ne sais pas, moi... Tiens ! Tu mériterais d'être arabe ou pire, noir, ne serait-ce qu'une journée, pour te rendre compte de la guigne que c'est d'avoir ses origines inscrites en plein milieu de la figure. ”

Après le mur raconte finalement l’inconnu pour une famille entière. La fissure historique et identitaire. La fissure des souvenirs et de la mémoire.
Jean-François Kierzkowski confronte dans ces pages les multiples points de vues, entre l’adolescent et les adultes, entre ceux restés au pays et ceux partis.
Il nous plonge dans une période en pleine ébullition, une société en pleine mutation avec la chute du communisme et l’ouverture des frontières. On entre immédiatement dans cette atmosphère du passé. Et même si j’ai trouvé que le récit comportait quelques longueurs, il n’en reste pas moins qu’Après le mur est un roman tendre et drôle, et dans lequel on sent que Jean-François Kierzkowski a pris beaucoup plaisir pour nous transmettre cette Histoire, peut-être même son histoire.

Commentaires

  1. Il tombe bien, cet article. C'est le premier que je lis sur ce livre qui a attiré mon attention. Malgré tes petites réserves finales, il semble quand même valoir le coup ?

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    1. Oui, oui je trouve et il est vraiment dans la ligne de cette collection, d'apparence simple mais qui s'insinue tout doucement pour nous ouvrir sur une réflexion actuelle.

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  2. Pourquoi pas! Il me semble que j'ai lu très peu de livres sur la chute du mur...

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