Les enfants verts d’Olga Tokarczuk : au-delà de notre centre

Les enfants verts prix Nobel de littérature
Paru aux Editions La Contre Allée en 2016
Traduit par Margot Carlier - 96 pages

Dans le cadre du Varions les éditions organisé par Margot et Séverine et parce que j’aime particulièrement La Contre Allée, je me suis décidée à lire le Prix Nobel de Littérature 2018 (rien que ça) : Olga Tokarczuk.


1656, en Pologne, William Davidsson botaniste écossais résidant à la cour du Roi de France est appelé en Pologne pour devenir le médecin particulier du roi Jean II Casimir. Un roi en proie à bon nombre de souffrances : le mal de Naples, la goutte, la podagre… et ce ne sont pas les guerres qui éclatent contre le pays qui vont arranger les maux qui le rongent. Au contraire, il semblerait que plus le sang coule, plus les douleurs se font intenses. Plus le pays souffre, plus le roi se meurt…

Sous escorte, Davidsson et le roi quittent le centre du royaume pour Lvov afin que Sa Majesté puisse adresser ses prières à la Vierge Marie pour protéger son pays envahit de toute part par les Tatares, les Cosaques, les Russes.
Évidemment au vu des circonstances, le périple entreprit va les forcer à s’arrêter en chemin, à Kurcewicz, dans un lieu perdu en périphérie de toute vie et « civilisation ». Reçus dans un manoir au milieu des marais et alors qu’ils attendent patiemment que le roi se remette de ces maux grandissants, ils vont faire une étrange découverte : lors d’une partie de chasse dans les bois, des soldats du roi vont capturer deux enfants. Deux enfants sauvages, vêtus de simples lambeaux de tissu. Deux gamins muets ou poussant des cris d’animaux, attaquant à coups de dents si les hommes s’approchent trop près. Deux enfants à la peau verte comme du lichen, à l’odeur humide de la forêt et aux cheveux olivâtres et emmêlés. 

La peur saisie alors le Manoir, dans les deux camps. Qui sont-ils ? Orphelins ? Sont-ils dangereux ? Contaminés ? Malades ? 
Le conte démarre et avec lui une légende bien étrange, que je vous laisse découvrir.

“ Selon moi, le monde est constitué de cercles gravitant autour d'un seul point. Il faut savoir que cet endroit unique, appelé centre du monde, varie avec le temps ‒ jadis, ce fut Rome ou Jérusalem, à présent c'est sans conteste la France, et particulièrement Paris. Ces cercles, on pourrait les tracer avec un compas à verge. La règle est simple ‒ plus on est proche du centre, plus tout paraît véritable, concret, palpable, plus on s'en éloigne, et plus le monde semble flou, telle une toile blanchie par l'humidité. De plus, ce centre du monde se présente comme légèrement surélevé, de sorte que toute les idées, toutes les modes, toutes les inventions s'épanchent et coulent sur les côtés. D'abord, elles pénètrent les cercles les plus proches, et seule une infime partie parvient jusqu'aux endroits les plus écartés. ”

Olga Tokarczuk (traduit par Margot Carlier) nous entraîne dans une aventure colorée, onirique et même mystique, dans une époque où s’éloigner de la cour, du centre des décisions ou animations signifie s’engager dans un inconnu effrayant. Effrayant par sa géographie et par la présence de ces inconnus et marginaux. Un monde qui s’il se déploie au XVIIe siècle n’en reste pas moins très actuel. Ces enfants à la peau verte presque végétale ne seraient-ils pas les migrants, les SDF, ceux nommés « étrangers » etc. de notre époque ? Ces "centres" ne seraient-ils pas les mêmes qu'autrefois et plus encore avec les grandes puissances économiques et politiques ? 
Les enfants verts est ainsi un court récit imaginaire qui nous interpelle sur l’altérité, les conflits, les ailleurs et notre relation aux autres cultures. Et même si sur le moment je l’ai trouvé un tantinet trop court à mon goût souhaitant qu’Olga Tokarczuk aille encore plus loin dans la réflexion, je me suis finalement dit : n’est-ce pas aussi à nous de creuser, de poursuivre la réflexion impulsée et le cheminement de celle-ci ?  


Les enfants verts d'Olga Tokarczuk (traduit du polonais par Margot Carlier)
Paru aux éditions La Contre Allée - collection Fictions d'Europe 

Commentaires

  1. Malgré tout ce que tu dis, je ne te sens pas aussi emballée, aussi lyrique que d'habitude... J'ai le sentiment que tu restes quand même un peu sur ta faim, non ?

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    1. Ce n'est pas un coup de cœur c'est sûr mais c'est un très bon livre pour démarrer l'exploration des thèmes qui sont je crois chers à l'auteur. En tout cas, ça m'a donné envie d'aller creuser un peu plus pour poursuivre la réflexion car effectivement ici c'est très court.

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  2. J'hésite... je ne suis pas friande de cette période de l'histoire. Par contre, j'aimerais découvrir cette autrice dont j'ignorais le nom jusqu'alors..

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    1. Je te rassure, je ne suis pas non plus friande des livres qui se déroule à ces époques là mais en fait l'époque est un prétexte, on n'a pas l'impression d'être sans cesse en décalage entre notre époque et celle-ci. Mais pourquoi ne pas tenter avec un autre livre effectivement. Je ne me suis pas encore penchée en détail sur ces autres ouvrages.

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