La seule histoire de Julian Barnes : de la passion au trou béant d'un premier amour

La seule histoire
Paru aux éditions Mercure de France - Traduction par Jean-Pierre Aoustin
Septembre 2018 - 272 pages

Ne connaît-on qu'une seule véritable histoire d'amour dans notre vie ? Celle qui nous fait croire en l'absolu. Qui vous tombe dessus sans crier gare. Si celle-ci se termine, peut-on de nouveau aimer ? N'est-on pas plus vulnérable ? Plus distant ? Ne doit-on pas moins aimer pour moins souffrir ou au contraire ne vaut-il pas mieux avoir aimé et perdu ce que l'on aimait plutôt que de n'avoir jamais aimé ? A-t-on seulement le choix ? Voilà toutes les grandes questions et les thèmes qu'aborde avec beaucoup de lucidité La seule histoire de Julian Barnes à travers le personnage de Paul.


Paul, 19 ans, revient pour les vacances dans le Village. La maison familiale. Le cocon. Il intègre le club de tennis pour s'octroyer une activité durant ses journées. Désir maternel. Sur le court, alors que chacun des membres est encore en train de sonder sa classe sociale et son adaptabilité, il rencontre Susan. 48 ans. Mariée et mère de deux filles, ayant l'âge de Paul. Le bel oiseau, comme elle l'appellera, tombera fou amoureux d'elle. Et réciproquement. Malgré les désapprobations, les regards, le renvoi du club de tennis. 
Plus tard, ils partiront vivre à Londres. Quitteront famille et amis. Paul entamera des études de droit tandis que Susan s'occupera du foyer. Et de la bouteille cachée sous l'évier. Un verre, puis deux, puis cinq, puis une bouteille ou plus. L'alcoolisme renversant. Paul qui tentera de la sauver. Cependant, l'amour peut-il suffire ? 
Voilà donc la trame de ce roman dans lequel Paul nous conte ses souvenirs, ses pensées au fil des ans. Paul, un homme désormais âgé qui cogite sur le sens de tout cela.

“ « comprendre » l'amour est pour plus tard, « comprendre » l'amour est bien près du réalisme, « comprendre » est pour quand le cœur est refroidi. L'amant en extase ne veut pas « comprendre » l'amour, mais le vivre, éprouver l'intensité, la plus grande netteté des choses, l'accélération de la vie, le tout-à-fait-justifiable égotisme, la pure fierté sexuelle, le joyeux délire, le sérieux qui pondère, le brûlant désir, la certitude, la simplicité, la complexité, la vérité, la vérité, la vérité de l'amour. ”

Malgré tout l'intérêt et la profondeur du sujet traité, je ressors de cette lecture globalement déçue. Je suis allée jusqu'au bout parce que j'attendais sûrement que quelque chose me fasse vibrer. En vain. Je suis restée totalement hermétique au style de l'auteur alors même que certains passages sont proche de mon histoire familiale. Mais cette narration changeante, cette alternance de pronoms ("je", "vous", "il") dans les différentes parties m'a empêchée toute empathie, ou mise en perspective. Je suis restée en dehors. Pourtant, je comprends parfaitement le pourquoi, cette prise de distance, de recul face à cette seule vraie histoire. Peut-être le vous a-t-il été ce que j'ai préféré et encore... car dans ce vous se mêle le je et alors comment s'identifier lorsque le narrateur fait sans cesse un retour à soi ?

Je sais que ce livre a rencontré un beau succès par ici et il saura probablement toucher bon nombre d'entre vous. Ça ne pas fonctionner à chaque fois. Et tant mieux.

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Julien Barnes est né en Angleterre en 1946. Il a également publié sous le pseudonyme Dan Kavanagh.
Son premier roman, Metroland, a reçu le Prix Somerset-Maugham en 1980. Depuis il a publié plus de trente livres dont certains ont été traduits dans plus de vingt langues dont :
Le perroquet de Flaubert qui a reçu le Prix Médicis Essai 1986
Love, etc. qui a reçu le Prix Femina étranger 1992 et a été adapté en film par Marion Vernoux avec Charles Berling, Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg.

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Petite sélection autour de la passion amoureuse et de ses blessures jamais refermées

Le mal des ardents de Frédéric Aribit
L'amant de Marguerite Duras
Les miroirs de Suzanne de Sophie Lemp
Les variations sentimentales d'André Aciman
Danse d'atomes d'or d'Olivier Liron

Commentaires

  1. Nicole avait beaucoup aimé ce livre, si je me souviens bien, et je crois que c'est la seule critique que j'avais lue jusqu'à présent. J'avoue que le sujet me tente modérément, de toute façon...

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    1. Oui, Nicole a aimé mais il me semble qu'elle suit l'auteur depuis très longtemps.
      Si le thème ne te tente pas, effectivement, passe ton tour :-)

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