L'Origine de la violence - Fabrice Humbert

J'ai ouvert l’Origine de la violence il y a quelques années. J’ai lu les deux premiers chapitres et j’ai refermé le livre. Un roman, une fiction qui parle de la Shoah, ce n’était pas concevable, pas après avoir lu Auschwitz, les nazis et la solution finale de Laurence Rees. Le trop plein de violence et d’horreur sans aucun doute. Mais le livre est toujours resté dans ma bibliothèque, visible, parce que le titre m’intriguait. Puis je m’y suis replongée.



**Mon avis**
Un roman qui parle du Mal absolu, des heures les plus sombres de l’Histoire sans les avoir vécues est périlleux. Pourtant Fabrice Humbert est parvenu à mêler la petite histoire familiale à la grande Histoire avec habilité, subtilité, vérité.

Le narrateur est un jeune professeur qui se rend à Buchenwald pour un voyage scolaire et découvre sur une photo le visage d’un détenu ressemblant à son père qui n’a pas pourtant vécu la guerre. Ce visage le hante au point de mener l’enquête. Les morts ne parlent plus mais les vivants ? On entre alors dans l’histoire familiale cachée celle dont personne ne parle parce que « l’oubli est ce qu’on a trouvé de mieux pour les secrets ».


Le détenu de la photo se révèle être David Wagner, le véritable grand-père du narrateur, le fantôme. Se met alors en place la vraie histoire, celle d’un amour inavouable, d’une notoriété à protéger, d’une violence familiale. Cette violence  « sans bornes ni limites, une violence qui chemine sourdement à travers les époques [..]. Je suis mon grand-père livré aux bourreaux, je suis mon père frémissant d'une violence suicidaire, je suis l'héritier d'une immense violence qui traverse mes rêves et mes récits. ».

Parce qu’il veut comprendre, le jeune professeur abandonne son poste pour poursuivre ses recherches. Comment son véritable grand-père a-t-il été déporté ? Pour quelles raisons ? Comment est-il mort ? A l’aide du seul ami de son grand-père, il va découvrir la vérité et rechercher toutes les personnes ayant de près ou de loin connues celui-ci. Il finit par tomber amoureux de la petite fille d’un haut dignitaire nazi. 

Sans prendre partie pour les victimes ou les bourreaux, l’auteur cherche à comprendre l’origine de la barbarie : comment une telle violence peut se déverser ? Qu’est ce qui a conduit les peuples d’Europe à se déchirer ? Comment le mal s’est diffusé au point d’exterminer un peuple ? Même si « le silence est plus lourd à porter que la révélation », le grand-père officiel confiera la vérité sur son lit de mort et le fils de ce dernier révélera l’inavouable.

Le roman est complet : l’intrigue bien ficelée, l’introspection profonde, les références nombreuses,  l’hommage aussi à Levi et Semprun. Une réflexion bien menée sur l’origine du Mal et le besoin d’identité de la troisième génération d’après-guerre, thème peu souvent évoqué alors que l’héritage est lourd à porter .

**Citation**

« J'ai voulu savoir ce que les coupables sont devenus parce que la mémoire des morts a deux visages : celui de l'homme tombé à terre et celui de l'homme qui l'a fait tomber. Autour vit le système qui a permis le crime. »

© Emy

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