Chasse à l’homme de Sophie Létourneau : provoquer le réel

Chasse à l'homme la peuplade
Paru en mars 2020 aux éditions La Peuplade
216 pages

Décidément La Peuplade ne cesse de me surprendre et de m’enchanter avec leur publication toujours subtiles et éclectique. Chasse à l’homme de Sophie Létourneau ne déroge pas à la règle et est même parvenue à me réconcilier avec l’autofiction. Si, si ! 


“ Cette histoire a commencé quelques fois déjà. Elle s’est terminée plus souvent encore. Chaque fois que je l’ai écrite, croyant la fin venue, une révélation faisait tout dérailler. Comme un spasme, une irruption du réel, une protestation. Alors je reprenais l’écriture, sachant que c’est une histoire qui n’en finirait jamais d’arriver. ”

Montréal. Paris. Tokyo. Québec. Une quête. Un désir. Celui d’un homme. L’homme de sa vie. Le petit français. Ou bien serait-ce un autre ?
Montréal. Paris. Tokyo. Québec. Un monde. Une femme, écrivaine, dans un milieu d’hommes. Patriarcal. Misogyne. Genre d’hommes parfois à se faire loup. Vous attraper, un soir, les jambes et vous traîner sur le parquet.  
Une femme, Sophie Létourneau, qui marche dans chacun des pas d’une autre Sophie. Sophie Calle. Qui aura toujours un temps d’avance sur son histoire à elle. 

Montréal. Paris. Tokyo. Québec. Des hommes, des dragues molles. Des séductions ratées. Et une cartomancienne. Une chasse à l’homme. A l’écriture aussi. Salvatrice. Nécessaire. Une femme qui se nourrit des mots de Roland Barthes, Wajdi Mouawad, Chloé Delaume Mathieu Arsenault en passant par Nelly Arcan, Paul Auster, Pierre Bayard ou encore Barbara Cooney. Une femme qui aurait voulu devenir, un temps, un grand homme avant de comprendre. De se voir. Vraiment. Une femme qui s’interroge sur le réel et la fiction. Ce que l’on peut dire ou ne pas dire. Écrire ou ne pas écrire. 
Entre Montréal, Paris, Tokyo et Québec, une femme qui parcourt le monde. S’interroge. Observe. L’humain et elle-même. L’acte d’écrire. L’avenir et l’amour. Le désir en filigrane. Rester ou partir. Une femme, profonde. Provocatrice d’un destin. Le sien. Racontant cette quête, ses souvenirs. Les situations incongrues et celles qui engendre la volonté d’une émancipation, d’une rage d’exister. Légitimement. Une soif de dire. De partager. De s’interroger, ensemble. 

“ J'étais amoureuse d'un fantôme. Et le propre des fantômes, c'est de prendre toute la place. ”

Entre Montréal, Paris, Tokyo, une histoire de choix. De destin. De signes. De traces que l’on suit et poursuit. Un voyage comme une course au ralenti. Qui parfois s’abat sur le corps. Arrêts sur pensées. Couchées là, entre ces pages, avec humour et profondeur. 

Chasse à l’homme, objet hybride, qui fouille les sentiments bien plus qu’il n’y paraît. Qui détaille le pouvoir des mots, ceux prononcés par soi, les autres ou une voyante. Ceux lus dans les pages des autres, ceux écrits, réécrits. Un objet puissant, engagé pour les femmes, leur place dans la littérature, la société aussi. Une réflexion fragmentée sur l’amour, le désir, l’avenir, l’écriture ‒ et si finalement ces quatre mots n’existaient qu’ensemble ? ‒ superbement réussie. Une histoire vraie qui semble pourtant si fictionnelle et avec laquelle elle crée une véritable performance en jouant avec les codes et en les cassant.

“ Avant ce livre, je ne pensais pas que les mots avaient le pouvoir de modeler la réalité. Maintenant, je fais attention, trop peut-être, à ce que j'écris. Parce que je sais que l'écriture porte la mémoire de l'avenir. ”

Sophie Létourneau par cette Chasse à l’homme dépoussière l’autofiction et la littérature par sa voix singulière qui s’élève, sorcière, et nous hypnotise.


Pour découvrir d'autres titres de La Peuplade

Nirliit de Juliana Léveillé-Trudel
L’œil soldat de Larry Tremblay
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Chasse à l'homme de Sophie Létourneau
Paru en mars 2020 aux éditions La Peuplade


Commentaires

  1. Cette maison d'édition est devenue avec le temps ma préférée. Je n'ai pas lu tous leurs livres mais la majorité de ce que j'ai découvert m'a beaucoup plu.
    Mon coup de coeur, pour le moment, reste De Bois debout ( et Les Falaises ��)

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    1. Je note De bois debout. Déjà le titre...

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    2. Il faut vraiment que tu le lises, c'est sublime. Il allie les codes du théâtre, du roman.. Le tout sur une histoire où les livres ont toute leur importance.

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  2. Moi, quand j'entends autofiction, mon oreille se dresse ! Je trouve l'exercice très intéressant... mais aussi très casse-gueule. En la matière existe le pire comme le meilleur. Mais là, si j'ai bien compris, on est du bon côté !

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    1. J'ai de plus en plus de mal avec l'autofiction. Cette sensation du Moi-moi-moi... Mais pour le coup, Sophie Létourneau m'a réconciliée avec le genre. Tout est une question de dosage, de subtilité, de hauteur aussi.

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