Elle voulait juste marcher tout droit de Sarah Barukh : la quête d’une identité et d’une vérité

Elle voulait juste marcher tout droit
Paru en février 2017 aux éditions Albin Michel
432 pages

« Parce que c’est la guerre »


Nous sommes en 1943, la guerre bat son plein, la France est sous l’occupation. Alice a cinq ans et vit à Salies-de-Béarn avec Jeanne sa nounou. Du haut de son jeune âge, des questions la tourmentent : pourquoi ne peut-elle pas aller seule chercher de l’eau au puits ? Pourquoi les policiers ont emmené Thomas ? Pourquoi sa mère n’est pas avec elle ? Où est-elle ? L’a-t-elle abandonné ? Des réponses bercées au son des « parce que c’est la guerre », « tu comprendras plus tard »


Et puis la guerre se termine, Alice a alors huit ans lorsqu’elle rencontre sa mère pour la première fois. Loin d’être celle que Jeanne lui a décrite, Alice découvre une femme amaigrie, vieille avant l’âge, silencieuse. Désespérément silencieuse. La petite fille part vivre avec elle à Paris dans « cet endroit sans pourquoi ». Rapidement elle découvre les numéros gravés sur son bras ainsi que sur celui de Monsieur Marcel, un vieil homme qui vit avec elles et qui chaque jour part aux listes. Mais que signifient ces numéros ? Qu’est-ce que c’est les listes ? Et pourquoi sa mère ne lui parle pas ? 
Alors qu’elle commence à s’habituer à sa nouvelle vie, qu’elle a trouvé un meilleur ami, la mère d’Alice tombe malade. La jeune enfant va devoir partir pour les Etats-Unis, rejoindre un père qu’elle pensait mort, un oncle aigri et affronter une nouvelle fois la séparation …

Elle voulait juste marcher tout droit


Comment construire son histoire, et se construire soi-même dans un monde de non-dits et dévasté par la guerre ?

Plus que de guerre, le roman de Sarah Barukh nous parle de cet après-guerre à travers un regard porté à hauteur d’enfant tout comme l’écriture car bien que la troisième personne soit utilisée, l’écriture se veut simple, les phrases sont courtes, aérées mais impactantes comme s’il s’agissait des mots d’Alice. Et c’est en cela que la force est donnée au personnage : une enfant attendrissante, espiègle mais tourmentée que l’on a envie de prendre sous notre aile tant elle est émouvante. 
De Salies-de-Béarn, à New York en passant par Paris, cette petite fille au destin chamboulé et au désarroi croissant va devoir s’armer de courage, de patience et faire preuve d’une grande maturité pour tenter de trouver son chemin mais aussi et surtout de comprendre l’histoire de sa mère, de sa naissance. 

Elle voulait juste marcher tout droit

C’est un pari audacieux que prend l’auteure en nous offrant un énième récit sur la guerre d’une part mais aussi et surtout en écrivant cette histoire à partir du regard d’un enfant car le roman pourrait vite tomber dans le surfait, le trop mièvre ou le larmoyant. Mais Sarah Barukh réussit parfaitement à captiver son lecteur, à lui faire ressentir toutes les peines, tous les espoirs d’Alice et des autres personnages qui ont un rôle essentiel dans la construction du roman. Le tout dans un décor parfaitement reconstitué et documenté dans lequel on côtoie fascistes, résistants, strass de l’Amérique, anciens déportés et souvenirs de l’Horreur. 

Je n’en ferai pas un coup de cœur car il y a des imperfections, parfois des idées trop redondantes pour appuyer les sentiments d’Alice. Mais si l’on met ces détails de côté il est évident qu’Elle voulait juste marcher tout droit est un premier roman qui ne devrait pas laisser grand monde indifférent tant il est habité de sensibilité et d’intelligence. 


Commentaires

  1. Comme je te le disais, je n'ai pas accroché, et je fais partie des quelques personnes que le ton du livre n'a pas du tout touchées...

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    1. Oui j'avais vu cela. C'est vrai que les avis sont mitigés au sujet du ton adopté. Ça passe ou ça casse. Néanmoins j'ai apprécié qu'à la fin du roman le ton soit tout autre que celui adopté durant tout le reste du récit. Mais je peux comprendre que ce soit dérangeant surtout avec l'utilisation de la 3e personne.

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  2. Je viens seulement de tomber sur ta chronique, et je suis ravie de la lire (tu sais combien j'ai aimé ce livre).
    Je suis contente de voir que tu l'as globalement apprécié aussi !

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    1. Oui je me souviens à quel point tu l'as aimé c'est un très bon premier roman. Et tu avais raison sur le fait qu'il me plairait :-)

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